En attendant la Nuit… 5- Les nébuleuses diffuses

Cinquième étape : les nébuleuses diffuses

 

La nuit est là, le ciel bien sombre, et il n’y a qu’à tendre le bras pour toucher les étoiles… Les yeux perdus dans la Voie Lactée, couché dans l’herbe (humide, l’herbe, la rosée est tombée…), sur le sable ou dans un transat confortable, vous remarquez bien des petites zones brillantes ici ou là, pas très loin de l’horizon sud, comme des petites taches, des boules de coton. Il faut dire que depuis le temps que vous êtes à la belle étoile, vos yeux se sont  habitués à l’obscurité.

Préservez votre vision nocturne ! Dans l’obscurité, l’œil met plusieurs dizaines de minutes pour augmenter considérablement sa sensibilité au peu de lumière résiduelle, comme celle émanant des étoiles. mais il faudra juste une fraction de seconde pour tout perdre, juste avec la lumière de phares de voitures, d’une lampe de poche ou simplement d’un portable allumé. La lumière blanche est l’ennemie de l’astronome. Si vous avez malgré tout besoin d’un peu de lumière, privilégiez les éclairages rouges, ils sont absolument inoffensifs pour votre vision nocturne !

Tout de même, cette boule de coton dans la constellation du Sagittaire vous intrigue… En réalité, il y a de fortes chances que vous soyez en train d’observer votre première nébuleuse diffuse. Contrairement aux nébuleuses planétaires , qui marquent généralement la mort d’une étoile, les nébuleuses diffuses, à émission ou à réflexion, sont souvent décrites comme des pouponnières d’étoiles.

Après avoir parcouru le bestiaire des petites nébuleuses planétaires, il est temps pour vous de découvrir l’univers des nébuleuses XXL !

M 8 – M 20


De gauche à droite : Trifide et la Lagune, M 20 et M 8 par Ljubinko Jovanovic via Wikimedia

Le mystère est résolu… la voilà, votre grosse boule de coton, bien brillante, bien visible à l’œil nu, en plein cœur de la constellation du Sagittaire ! Et pour être sûr de ne pas la confondre avec toute cette cotonnerie qui grouille dans la région, vous pouvez repérer M 8 à cinq degrés ouest de l’étoile située à la pointe de la théière, Kaus Borealis  (Lambda Sgr). Elle est surnommée la nébuleuse de la Lagune car elle est traversée par un canal sombre et tortueux.

Déjà avec un petit instrument, une région ronde et brillante se détache à l’ouest du canal. une nébulosité plus diffuse se poursuit sur l’autre rive. Le spectacle est encore plus grandiose avec l’ajout de filtre. Et puis quelle taille impressionnante !

Aux jumelles, 1,5 degrés au-dessus de la Lagune, vous remarquerez une pâle nébulosité. Il s’agit de Messier 20. Dans un télescope, elle devient plus évidente. Un filtre UHC apportera du contraste. Surnommée nébuleuse Trifide ou nébuleuse du trèfle, est est traversée en son centre par de sombres chenaux. Pour commencer à les observer, vous devez avoir un télescope de 200 mm de diamètre minimum. Avec un diamètre supérieur, une extension bleutée apparaîtra faiblement.

 

M 17


Nébuleuse du Canard Sauvage ou nébuleuse Omega, M 17 par Sylvain Billot via Wikimedia

Le repérage de ces grandes nébuleuses de l’été est d’une simplicité enfantine… Il suffit de partir de la plus brillante, la Lagune, et de remonter tranquillement vers le nord, en suivant la Voie Lactée, en jouant à saute-moutons. Après avoir passé M20, remontez encore de 8 degrés vers le nord, en décalant très légèrement vers l’est. En chemin, arrêtez-vous sur quelques jolis amas ouverts… Voilà, vous y êtes ?

Devant vous se dresse M 17, la nébuleuse du Cygne, majestueux volatile évoluant sur la Voie Lactée, un bijou. De nombreux détails apparaissent déjà dans de petits instruments, comme sa forme en L. Elle devient très spectaculaire dans un 200mm, et l’usage d’un filtre UHC ou CLS renforcera le contraste de cette nébuleuse qui n’en demandait pas tant…

 

M 16


Nébuleuse de l’Aigle, M 16 par Ljubinko Jovanovic via Wikimedia

Reprenez maintenant votre route vers le nord, un peu moins de 2,5 degrés plus loin, vous apercevrez une petite tache floue aux jumelles.

Sans filtres, vous n’observerez probablement que l’amas associé à la nébuleuse de l’Aigle, M 16, même dans un 200mm. Avec un filtre UHC, le spectacle est tout autre. Les draperies d’hydrogène ionisé se dévoilent soudain, de multiples extensions apparaissent. Le contraste est saisissant… Et les mythiques piliers de la création, immortalisés par le télescope Hubble, commencent à pointer dans un 250mm.

Les filtres sont des accessoires souvent très utiles en astronomie. Il en existe de diverses sortes, pour des usages chaque fois particuliers. Ils ont pour effet de renforcer le contraste de l’objet observé. Les filtres anti-pollution permettent de contrer la pollution lumineuse des villes. Le plus plus poussé comme l’UHC (ultra high contrast) est idéal pour renforcer le contraste des nébuleuses mais est contre indiqué pour d’autres objets (étoiles et galaxies), pour ces derniers objets, il sera conseillé de prendre un filtre à spectre plus large, comme le CLS.  L’OIII (oxygène 3) sera utilisé pour les nébuleuses planétaires.

Ngc 7000 – IC 5070


Ngc 7000 et IC 5070, North America et Pélican par Gil-Estel via Wikimedia

Quittons à présent les rivages du Sagittaire et la nébuleuse de l’Aigle, pour regagner à tire d’aile la constellation du Cygne… En présence d’un ciel bien sombre, à trois degrés Est-Sud-Est, vous devinerez à l’œil nu une vaste condensation d’étoiles. Il s’agit de la nébuleuse America et sa voisine, le Pélican (Ngc 7000 et IC 5070). Ces deux nébuleuses n’en font en fait qu’une seule, des chenaux sombres de gaz et de poussière les séparant artificiellement.

La nébuleuse, très étendue et très pâle, se fait très discrète, voire invisible aux instruments. Un filtre UHC  vous permettra d’admirer sa forme si caractéristique. America est si étendue qu’un instrument de courte focale muni d’un oculaire grand champ à faible grossissement sont à privilégier, afin de parcourir les rivages du golfe du Mexique ou de la Floride, de deviner les contours du Pélican. La vision est saisissante et nous laisse rêveur…

Ngc 281


Pacman, Ngc 281 par Hunter Wilson via Wikimedia

Éloignons-nous provisoirement du Cygne pour rejoindre la constellation de Cassiopée. Après avoir pointé Caph, l’étoile principale de Cassiopée, décalez-vous d’ 1,7 degrés vers l’Est. C’est ici que se cache la nébuleuse Pacman, ou Ngc 281.

Se cacher est le mot, car sans filtre, il vous sera difficile de la deviner. Avec un filtre UHC, Pacman se montre vorace, prêt à engloutir le tapis d’étoiles qui l’entoure. De nombreux détails explosent dans un télescope de 250mm. Mais ne grossissez pas trop, il perdrait en luminosité.

Ngc 6888


La nébuleuse du Croissant, ngc 6888 par Miodrag Sekulic via Wikimedia

Après cet intermède qui aura attendri le gamer le plus endurci, il est temps de grignoter quelque chose. Un croissant , peut-être? Sachez quand même que la tâche sera ardue. La nébuleuse du Croissant n’est pas faite pour les petits instruments et se montre rétive aux observations directes. Elle préfère largement les flashes des paparazzis, euh, des astrophotographes plutôt…

Son repérage sera compliqué, la nébuleuse baignant dans un tapis constellé d’étoiles. Partez de Sadr, l’étoile au cœur de la constellation du Cygne. Descendez progressivement en direction d’Albireo, les yeux du Cygne, et au bout de 2 degrés 44 minutes d’arc, vous y êtes. Enfin seulement si vous observez avec un 200mm minimum muni d’un filtre UHC ou OIII, ainsi qu’un oculaire grand champ.  Et avec un ciel bien sombre. et, et… Mais après tant d’efforts, Ngc 6888 vaut tout de même le détour !

Ngc 6960 – 6992 – 6995 :  “Les Dentelles du Cygne”


Les dentelles du Cygne par Par Jose A Mtanous, via Wikimedia Commons

J’ai longtemps pensé qu’avec un modeste télescope, je n’arriverai jamais à observer les fabuleuses Dentelles du Cygne, qu’elles étaient destinées à des instruments d’exception. J’avais tort… Le choc visuel de la “première fois” n’en fut que plus fort ! Oh, bien sûr, pas de lumière parasite, pas de lune, un ciel bien sombre et limpide amélioreront encore le spectacle. Et puis c’est si grand, si étendu ! Si beau ! On sort étourdi et sonné, était-ce un rêve ?

Pour réaliser ce rêve, quelques ingrédients sont nécessaires. D’abord repérer la nébuleuse. Ce n’est pas bien difficile. Si vous regardez la figure du Cygne avec Deneb en haut, recherchez une étoile sous l’aile gauche, 52 du Cygne. Vous êtes arrivés. 52 est en effet au cœur de la partie droite des dentelles, ngc 6960. Suivez maintenant la courbure de l’arc et vous trouverez l’autre “gros morceau”, l’aile gauche des dentelles, ngc 6992 – 6995. Mais pour l’admirer, un filtre UHC ou OIII sera indispensable. Un grossissement faible et une focale courte rendront plus esthétique la vision, mais même avec cela, vous ne la découvrirez que par morceau. Déplacez-vous, suivez ses longs et gracieux filaments.Il ne sera pas facile de vous en détacher…

Vous pouvez aussi tenter de les observer aux jumelles, certains ont réussi, sans doute en intercalant un filtre entre l’œil et l’oculaire ?

Pour finir cette série nébuleuse, j’avoue, j’ai triché (un peu). Les dentelles du Cygne sont ce qu’on appelle un rémanent de supernova, ce qui reste d’une étoile qui a explosé il y a longtemps, longtemps… elle aurait sans doute dû se trouver parmi les nébuleuses planétaires. Mais sa beauté et surtout ses dimensions la rendent si atypique que j’ai jugé bon de l’incorporer aux “grandes nébuleuses”. Et ça permet de finir en beauté…

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