En attendant la Nuit… 4- Les nébuleuses planétaires

Quatrième étape : les nébuleuses planétaires

 

 Voilà, il fait nuit, réellement nuit. Les objets les plus délicats vont pouvoir maintenant se dévoiler. Le temps des nébuleuses et des galaxies est enfin arrivé. Ce moment des nuits magiques où ces objets s’exposent et explosent sur notre rétine.

Dans cette série d’articles, j’ai évoqué différents crépuscules, parlé de la nuit. Mais qu’est-ce que la nuit pour un astronome ? Il existe trois différents crépuscules : civil, nautique et astronomique, vous trouverez leur définition précise tirée de notre glossaire en cliquant sur chacun d’eux.

Mais sachez déjà que le crépuscule astronomique, ce moment où le soleil passe en-dessous de dix-huit degrés sous l’horizon marque le début de la nuit astronomique, où seule l’obscure clarté des étoiles nous illumine. Sauf évidemment si vous habitez à côté d’un éclairage public…

Mais commençons déjà par naviguer parmi les nébuleuses. Il y en a différentes sortes, et entre autres, les nébuleuses planétaires. Je vous arrête tout de suite, si vous imaginez observer des exoplanètes, vous faites fausse route. Ce sont tout simplement des enveloppes de gaz expulsées par des étoiles en fin de vie. Le qualificatif de planétaire leur vient de l’aspect qu’elles dévoilent dans un télescope, elles ont la forme d’un disque qui rappelle vaguement celle des planètes. Généralement de petite taille, ces formations gazeuses n’en constituent pas moins de véritables joyaux !

Vous verrez à l’usage que la vision de ces nuages de gaz  fantomatiques est souvent grandement améliorée par l’utilisation de filtres spéciaux, des filtres qui ne laissent passer que la lumière émise par ces nébuleuses. D’autre part, les nébuleuses planétaires supportent généralement bien les gros grossissements. Heureusement, car certaines sont très petites…

Le voyage commence… En voiture, attention à la fermeture des portes !

M 27


Dumbbell, l'haltère, le trognon de pomme, le sablier...

Dumbbell, l’haltère, le trognon de pomme, le sablier, le battant de cloche… M 27 !

Wouaaaaouh… La nébuleuse des onomatopées ! Préparez-vous à un choc visuel… L’une des plus proche nébuleuse planétaire (moins de mille années lumière), la plus large visuellement, elle est affublée de nombreux sobriquets, comme l’atteste la légende de l’image ci-dessus. M 27 est facilement repérable en partant de la pointe de la Flèche (L’étoile Delta de la Flèche) et en remontant de trois degrés vers le nord.

Perçue comme une petite tache floue aux jumelles, elle se révèle et prend toute sa place dans le champ visuel d’un télescope. Jonglez avec les oculaires (euh… c’est juste une image, ça coûte cher ces machins-là) et les filtres, de nombreux détails dans sa structure en trognon de pomme apparaissent. L’étoile centrale, à l’origine de cette nébuleuse, aussi. Cerise sur le gâteau, une coloration verte se laisse deviner dans des télescopes de 300mm de diamètre (voire moins) ! Magique…

M 57


M 57, l’anneau de la Lyre par Andrew Vanden Heuvel

Après le maousse costaud M 27, voici le touti rikiki M 57. Enfin non, pas si rikiki, nous verrons plus loin des objets bien plus petits. Malgré sa taille, cet objet est une merveille. Et incroyablement simple à pointer dans la constellation de la Lyre. Cette constellation, dominée par l’éclat de la brillante Vega, épouse la forme d’un parallélogramme lumineux. Prenez le petit côté opposé à Vega, visez quasiment le centre entre les deux étoiles formant ce petit côté, vous y êtes !

Sa forme caractéristique n’est accessible qu’à l’aide d’une lunette ou d’un télescope. Un disque légèrement ovale apparaît dans les instruments les plus modestes. Dans un télescope de 115mm, l’anneau se forme. Au fur et à mesure que l’on monte en diamètre, la structure de l’anneau s’affine et gagne en nuances. Pour voir l’étoile centrale, il faudra s’équiper d’un 450mm au minimum. Mais déjà, la vision de l’anneau de la Lyre dans un Celestron C14 (350mm), une nuit d’automne sur un des sommets de l’Atlas marocain nous aura laissé un souvenir… Jouissif !

Ngc 6826


La nébuleuse clignotante, Ngc 6826 par Serge Petiot

Promenons-nous à présent dans le jardin des nébuleuses planétaires, la constellation du Cygne ! Toutefois, sur un tel tapis d’étoiles, difficile  de retrouver les nombreuses nébuleuses planétaires, parfois guère plus grosses qu’une tête d’épingle. Avec un peu de pratique, ngc 6826 se laisse relativement facilement repérer au bout d’une enfilade zigzagante d’étoiles constituée entre autres de Kappa, 7, Iota, Theta et 16 du Cygne, la nébuleuse se trouvant à 28 minutes d’arc de cette dernière. L’enfilade est parfaitement visible au bout de l’aile droite du cygne, lorsque l’on regarde la constellation avec Deneb (l’étoile principale du Cygne) en haut.

Quasi stellaire à faible grossissement, son disque est bien mis en évidence avec un grossissement supérieur. À partir d’un télescope de 200mm, ne nombreux détails se dévoilent : l’étoile centrale, une légère coloration verte (le vert est généralement la première couleur que l’œil réussit à percevoir dans l’obscurité), et même les contours d’une enveloppe externe… Tant de richesse dans un si petit corps…

Ngc 6826 est surnommée la nébuleuse clignotante car en faisant alterner une vision décalée et une vision directe, la nébuleuse semble clignoter.

Astuce : La vision décalée est l’arme absolue de l’astronome. Lorsqu’on observe un objet faiblement lumineux, il est important de mettre tous ses atouts de son côté. Dans l’obscurité, la rétine de l’œil humain réagit différemment. Les capteurs photo-sensibles situés au centre de la rétine (appelés cônes) sont bien moins performants pour capter la luminosité résiduelle que ceux situés à sa périphérie (les bâtonnets). Ainsi, lorsque vous observez un objet faible, regardez juste à côté, vous le verrez bien mieux !

Ngc 7008


La nébuleuse du fœtus, ou de la bulle de Malabar… Ngc 7008 via Wikimedia

Voilà un beau défi de repérage que propose ngc 7008 ! Quasiment à mi-chemin entre Deneb et Alderamin (principale étoile de Céphée), légèrement plus proche de cette dernière, vous risquez de tâtonner un certain temps avant de l’accrocher à votre tableau de chasse.  Et pourtant, elle mérite le détour.

Observée dans un télescope de 200mm de diamètre, surnommée la nébuleuse du fœtus, elle m’évoquerait plutôt une grosse bulle de chewing-gum soufflée par une étoile avoisinante ! Mine de rien, malgré une luminosité moindre, ses dimensions sont légèrement plus importantes que celles de la nébuleuse de la Lyre…

Ngc 6572


Ngc 6572, “L’Émeraude”, dessin par Michel Pruvost

La petite émeraude se mérite… Minuscule, d’aspect stellaire aux jumelles,  sa coloration émeraude trahit ngc 6572 dans un télescope… Encore faut-il réussir à la pointer dans la constellation d’Ophiuchus !

Plusieurs chemins de repérage sont possibles et un peu tarabiscotés. En voici un : vous partez du petit triangle évoqué dans les épisodes précédents, formé des étoiles 67, 68 et 70 d’Ophiuchus. Vous prolongez le segment 68 / 70 une fois en remontant, vous arrivez sur 73 d’Ophiuchus. De là, vous remontez de trois degrés vers le nord et vous voilà à bon port…

En grossissant, ngc 6572 arbore une forme plus allongée, de subtils détails apparaissent dans des diamètres supérieurs, comme le montre le dessin ci-dessus, croqué à l’aide d’un télescope de… 620 mm.

Ngc 7662


Ngc 7662, “Blue Snowball” dans un T620. Dessin de Michel Pruvost

Encore une jolie tête d’épingle, à repérer cette fois dans la constellation d’Andromède. Excentrée, ngc 7662 est à rechercher bien au-dessus de la galaxie d’Andromède (que j’évoquerai tantôt…) Je me suis construit un chemin un peu tortueux. Je pars d’une ligne d’étoiles, 3, 7 et 8 d’Andromède, je descends vers une petite virgule composée de lambda, kappa et iota, j’amorce un virage en angle droit dans le sens de la virgule, à deux degrés de là se trouve la faible étoile 13 d’Andromède. Juste à côté, se cache ngc 7662. Ce n’est pas clair ? Rassurez-vous, je vous montrerai un jour sur le terrain…

Pour l’admirer au télescope, il va falloir grossir un peu dans un premier temps sinon, rien ne la distingue des étoiles environnantes à part peut-être sa coloration bleutée prononcée. Sa structure se détaille bien à fort grossissement dans un 200 mm et devient spectaculaire dans des instruments de plus gros diamètre, comme vous pouvez le constater ci-dessus… Ngc 7662 est aussi surnommée “Blue Snowball”, la boule de neige bleue.

Ngc 6543


L’œil de chat, ngc 6543, par Wolfi Ransburg

 Encore un sacré casse-tête pour repérer cette splendide mais petite nébuleuse planétaire, située dans la constellation tortueuse du Dragon. Je vous livre un chemin possible, sans beaucoup de conviction. Pour peu que vous ayez appris à distinguer les étoiles Pi et Dzeta du dragon, tracez une droite avec ces deux étoiles, presque à mi-chemin en partant de Dzeta, vous trouverez la nébuleuse du compte à rebours… heu non, ce n’est pas ça, la nébuleuse de l’œil de chat plutôt, ngc 6543 !

Ce qui frappe au premier abord dans des petits instruments, c’est sa coloration bleutée. Elle est aussi brillante. Au fur et à mesure que l’on grossit et/ou que l’on passe à des diamètres supérieurs, sa forme ovale apparaît, des nuances se dévoilent dans sa structure, l’étoile centrale devient perceptible ainsi que des extensions fantomatiques. De la matière à passer de longs moments à son observation…

M 97


M 97, la nébuleuse de la Chouette (et la galaxie M 108) Par Miodrag Sekulic via Wikimedia

Enfin un objet facile à repérer ! Malheureusement, M 97 est un objet un peu plus étendu que les précédents, sa luminosité est plus diffuse, plus “délayée” et du coup moins perceptible pour les petits instruments. Qu’à cela ne tienne, pour la repérer dans la constellation de la Grande Ourse, on s’aidera de la brillante Merak… et d’une galaxie, M 108 ! En jouant à saute-mouton de l’une à l’autre, toujours dans la même direction, et en vous décalant à chaque fois  d’un degré environ, vous tomberez immanquablement sur celle qui se fait surnommer “la nébuleuse du Hibou”, pour peu que vous ayez un instrument d’un diamètre intermédiaire (typiquement à partir d’un 150mm)

Ce qui fait son charme, c’est d’arriver à discerner les deux grands yeux de chouette. C’est le cas tout juste dans un 200 mm. Si vous avez un instrument de courte focale, vous pouvez aussi vous amuser à réunir ensemble la nébuleuse et la galaxie. Joli spectacle en perspective !

Ngc7293 – L’Hélice


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Ngc 7293 – L’hélice

Voilà une nébuleuse planétaire XXL par excellence… Contrairement à la plupart de ses congénères, il ne faut pas chercher à grossir pour espérer l’admirer ! Mais avant cela, il faut déjà l’avoir trouvée, et là aussi, ce n’est pas simple… Située dans un no man’s land de la constellation du Verseau, il nous a fallu conjuguer deux chemins pour la retrouver à coup sûr. Le premier se base sur une ligne formée par un groupe d’étoiles Psi (1, 2 et 3) et l’étoile Skat (Delta du Verseau), vous prolongez d’une longueur environ vers la droite et vous arrivez à peu près à destination. Le deuxième chemin part de Fomalhaut, l’étoile principale du Poisson Austral, vous fait remonter à la verticale. La triangulation avec le premier chemin permettra d’affiner la recherche….

Plus connue sous le nom de nébuleuse Helix,  ngc 7293 s’apprécie dans un grand champ. Relativement basse sur l’horizon, elle se révèle durant l’été en deuxième partie de nuit.  Aperçue dans une paire de jumelle, son observation sera grandement facilitée par l’usage d’un filtre OIII ou UHC. Dans des diamètres supérieurs, la nébuleuse en forme d’anneau s’avérera très sympa  à observer, pour peu que le ciel soit bon…

M 76


La petite Haltère, M 76, par Polaris B

Pour clore cette étape, arrêtons-nous sur Messier 76, la nébuleuse des petites haltères située dans la constellation de Persée, une sorte de Dumbell miniature en quelque sorte. La boucle est bouclée… Mais la ressemblance s’arrête là, M 76 a loin d’avoir la luminosité de sa grande sœur. Pour la retrouver facilement, je suis parti du double amas de Persée, repère évident dans le ciel. Laissant la constellation en contrebas, je remarque deux petites étoiles à droite , en bordure de la voie lactée, qui pointent le fameux duo. Des deux étoiles, je prends celle qui se trouve la plus proche de l’amas, je me décale en oblique vers le haut de 55 minutes d’arc, et M 76 se révèle.

Si elle apparaît de forme grossièrement rectangulaire dans un modeste télescope, les subtils détails de sa structure requièrent un diamètre supérieur. Et comme pour la plupart des nébuleuses évoquées, observer au travers d’un filtre apportera un gain appréciable.

Scruter ces ombres qui dansent est un plaisir toujours renouvelé. Il reste tant de nébuleuses planétaires à inscrire à votre carnet de bal ! Et si vous aimez sortir un peu des sentiers battus, délaisser un temps les objets traditionnels, les incontournables, les nébuleuses planétaires sont faites pour vous. À condition de s’armer d’une bonne boussole et d’une carte bien précise ! Et de trouver le bon chemin. Car dans le ciel, vous ne pourrez pas laisser de petits cailloux…

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